Même s’ils se trouvent souvent en position périphérique par rapport aux aires métropolisées, les territoires ruraux des pays du Sud n’en connaissent pas moins aujourd’hui des mutations profondes et multiformes, pas nécessairement convergentes, dont bon nombre sont en lien plus ou moins direct avec les opportunités ou les contraintes qui découlent de la globalisation (Guibert, Jean, 2011 ; Woods, 2017) : processus d’altération des conditions environnementales d’échelles variées (locale à planétaire), transformations des systèmes agraires, phénomènes de déprise ou au contraire nouvelles concurrences pour le foncier (Bart, 2012), migrations temporaires de travail ou exode rural, mais aussi parfois arrivée de nouvelles populations, désenclavement et accès aux commodités (eau, électricité, téléphonie mobile, Internet), urbanisation, développement touristique… Interagissantes dans les systèmes locaux, ces évolutions impriment chacune leur marque dans les paysages et obligent les sociétés locales à de constantes adaptations (Thibaud, Bénos, 2017), qui affectent aussi leurs systèmes de représentations du territoire et de ses paysages.
Plus ou moins actives selon les contextes, ces transformations du territoire, entraînent aussi la mise en oeuvre locale de politiques d’aménagement ou de gestion, décidées et dessinées à d’autres échelles, régionales, nationales ou internationales, dont certaines visent à corriger, atténuer ou compenser certains effets environnementaux, là où d’autres poursuivent des visées essentiellement patrimoniales. Certes, l’environnement ou le patrimoine servent parfois de prétexte à des interventions dont les fondements sont purement socioéconomiques (Hirsch, 1998 ; McElwee, 2016).
Il est ainsi des politiques environnementales sans volet patrimonial explicite (lutte contre l’érosion, fixation de carbone…), tout comme à l’inverse il est des politiques patrimoniales détachées de l’environnement (patrimoine culturel). Mais rares sont les politiques qui n’ont pas un impact sur le paysage, que celui-ci soit explicitement concerné (protection de terrasses agricoles par exemple) ou non. Comment sont définies puis mises en oeuvre ces politiques, par quels acteurs, à quelles échelles, et par quelles relations de pouvoir (Arnaud de Sartre et al., 2014) ? Dans quelle mesure s’accordent-elles ou s’opposent-elles à d’autres politiques existantes, et aux intérêts divers des parties prenantes locales, pour « faire territoire » ou au contraire multiplier les tensions et les conflits ? On pourra également s’interroger sur les relations entre ces politiques et la marginalité des populations habitant ces espaces ruraux : ont-elles pour effet de mieux intégrer ces populations et territoires aux systèmes englobants, ou bien leur marginalité se voit-elle accentuée par cette intégration (Déry, 2010), sous l’effet de politiques peu adaptées à leurs réalités socio-spatiales ? Quelle place le paysage occupe-t-il au sein de ces relations : exprime-t-il ces évolutions, est-il l’objet d’une instrumentalisation politico-économique ? Il sera attendu des propositions s’inscrivant dans cet axe de réflexion qu’elles s’interrogent, au-delà de l’analyse des phénomènes qui transforment le territoire, sur la manière dont ils conduisent à la redéfinition des rapports sociaux, des systèmes de gouvernance, sinon même des identités collectives. Elles pourront de même explorer l’impact des dynamiques paysagères, parfois vécues de manière positive mais toujours susceptibles de se traduire par la perte de repères familiers, sur les systèmes de représentations des populations locales (Gauché, 2015) – ou ceux des touristes.